Jean-Philippe Vorillon - CBBS

Leader du championnat toute la saison régulière, le Charnay Basket Bourgogne Sud a l'opportunité d'effectuer un come-back dans l'élite du basket féminin français, une saison après l'avoir quitté. Entretien avec Stéphane Leite, entraîneur du CBBS qui tentera mener les Pinkies au titre de Champion de France comme il l'avait fait avec Landerneau en 2018.

Un an après avoir quitté la Ligue Féminine de BasketBall, Charnay est aux portes de retrouver l'élite du basket français. Quel bilan tirez-vous à l'instant T de cette saison 2022-2023 ?

Nous, le challenge cette année était important. On a su, je crois le 20 mai dernier, si nous allions continuer en LFB ou repartir en LF2 donc il fallait composer une équipe qu'on avait déjà entamé sur un double projet avant mais ce qui est compliqué à ce moment, c'est quand on ne sait pas dans quelle division on va jouer en fait. Pour que les joueuses puissent s'engager sur un projet, elles ont besoin de certaines certitudes donc ça, c'était la première chose : réussir à créer une équipe compétitive suite à une descente. Cela a été plutôt bien réalisé avec des joueuses qui sont capables de montrer de la complémentarité mais surtout des filles qui arrivent à s'inscrire dans un projet qui était bien défini à savoir de remonter le plus tôt possible. Pas forcément au bout de la première année mais le plus tôt possible, mais surtout de structurer quelque chose avec une équipe qui bougera peu parce qu'on a une équipe très très jeune. On voulait des gens qui puissent s'inscrire dans la durée, je pense à Monique Makani, Maëva Djaldi-Tabdi qui revient des Etats-Unis comme Amandine Toi, Coralie Chabrier qui reste dans la structure ...

La saison s'est donc très bien déroulée pour nous, malgré une défaite très tôt en Coupe de France à Monaco. Mais on apprend aussi dans la défaite et je pense que celle-ci nous a mis sur les bons rails. On a réussi à gagner les matchs en première partie de saison parce qu'on était très vite prêtes physiquement et tactiquement, on savait parfaitement où on voulait aller. Et puis, petit à petit, on a effectué des changements dans notre roster avec Amber Melgoza qui n'a pas pu continuer en raison de gros problèmes aux genoux et donc on a joué avec une seule étrangère alors qu'on était parti sur deux. En plus, Amber était plûtot dominante. Malgré tout, cela s'est très bien passé, malgré aussi la perte de Monique Makani pour 8 semaines après une blessure à Montbrison. Notre équipe a donc connu beaucoup de chamboulements et d'instabilités. Mais, les filles ont vraiment joué leur rôle, l'équipe s'est battu pour le club, pour nos valeurs et n'a pas rechigner à  beaucoup s'entraîner. Le bilan est donc plus que positif sur deux choses : on a réussi à gagner des matchs avec une équipe jeune et reconstruite, ensuite on a réussi à reconstruire une dynamique dans le club après la descente. C'est un club familial, je voulais continuer à transmettre ces valeurs et à priori c'est chose faite, parce qu'il y a une émulation dans l'association et que tout le monde s'investit à fond. C'est assez incroyable.

L'année dernière, vous aviez rejoint le club alors que Charnay trônait à la dernière place du classement LFB. Même si l'équipe a vécu une descente la saison dernière, vous évoquiez le fait que "viser la montée" était un challenge excitant. Votre ressenti une saison plus tard ?

Le travail n'a pas été encore accompli. Maintenant qu'on est là, jouer et ne pas le faire ce serait frustrant. Pour Chartres et pour nous, donc aujourd'hui le sentiment, c'est l'excitation. On a tous envie de jouer cette finale. Aujourd'hui, pour le club, c'est l'opportunité de faire un come-back en un an et je crois que cela n'a jamais était fait depuis la création de la division. Pour moi, c'est l'opportunité de retrouver la LFB. Pour les joueuses, c'est la possibilité de découvrir l'élite français où d'y rejouer donc voilà. Jouer un titre de toute manière, c'est ce qu'on veut tous, on fait cela pour ça en fait.

Dans une division très homogène en termes de niveau, comme en témoigne la folle lutte sur les dernières journées au classement, vous avez relativement surnagé sur la longueur. Malgré tout, le club a eu quelques moments de creux pendant ces playoffs face à Aulnoye et Champagne Basket. Comment l'avez-vous vécu ? Y-a-t-il eu des moments de doute ?

Pour moi, on n'a pas vraiment surnagé la deuxième partie de saison. On s'est fait peur, on a eu des prolongations face à Mondeville, on perd là-bas, on gagne Monaco après avoir été mené à la mi-temps, il y a plein d'autres choses comme ça. On perd la première mi-temps à Reims et on gagne la deuxième sur le retour mais c'est normal. On a commencé avec un potentiel athlétique qui est dingue, avec un plan de jeu et des systèmes relativement simples et en fait, les équipes se sont adaptées. Donc le début des playoffs, il est aussi compliqué parce que quand on finit premier, c'est rare que le leader monte dans cette formule et en fait on vit avec le sentiment de se dire "si on perd en quarts alors qu'on était premier, notre saison, elle devient vraiment mauvaise". On joue avec une espèce d'épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les cartes sont rebattues car on ne dispose que d'un avantage de terrain. Donc, on ne peut pas être dans le même état d'esprit quand on joue avec quelque chose à perdre, notamment quand on joue le 8ème alors que celui-ci a tout à gagner. En plus avec Aulnoye, qui à mon avis aurait pu être dans le Top 5 et qui a gagné Chartres deux fois. Reims, quand on les joue en premier dans le championnat, on gagne de 40 points mais il n'avait pas Townsend, ils n'étaient pas en place, Mavambou n'était pas là. Les playoffs, c'est autre chose, il y a une dynamique, pleins de facteurs qui se mettent en place et face à nous, je sens que les équipes ont une faculté à se transformer. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas sur les autres quarts et demi-finales mais en tout cas, nos opposants ont été de très grandes qualités sur les deux premières séries. C'est particulier comme moment.

Toute la saison, vous avez vécu un bras de fer pour la tête du classement avec votre adversaire des finales : Chartres. Pour le moment, il s'agit de la seule équipe contre laquelle vous n'avez pas gagné une rencontre. Quel regard avez-vous sur votre adversaire pour la montée et le titre de Champion de France ?

De mon point de vue, c'est une équipe qui est très stable. Très stable dans son basket parce qu'elle peut compter sur beaucoup d'alternance, longue distance notamment où elles sont très adroites et intérieure avec la joueuse incroyable qu'est Nicole Enabosi. Pour moi, il y a une force de frappe très complémentaire. C'est complet, il y a de l'expérience, j'ai eu Marine Debaut avec moi sur ses années à Landerneau et cela fait des années qu'elle gravite dans le championnat, il y a aussi Elise Marié. S'il y a bien une meneuse qui connaît la division, c'est bien elle. Il y a donc beaucoup de vécu par rapport à nous. Moi j'ai beaucoup de filles qui n'ont jamais joué de playoffs et encore moins de finales (rires). C'est deux mondes différents, deux constructions d'équipes différentes. Aujourd'hui, j'avais annoncé dès la première journée que si on était en finale, ce serait contre Chartres, parce que leur équipe est bien faite. Ce sera un beau duel. En face de moi, il y aura Benoît Marty qui me connait mais aussi une personne qui me connaît encore plus, c'est Marie-Julie Levant qui n'est autre que mon témoin de mariage et la personne avec qui j'ai vécu mes plus belles émotions basket (ancienne assistance de Leite au Landerneau Bretagne Basket de 2014 à 2018). Le jeu de Benoît (Marty) en plus à évoluer depuis quelques années où il est passé d'un jeu rapide et à un jeu très structuré sur demi-terrain. Donc oui, ce sera une opposition très intéressante.

Sur quelles armes devraient vous vous reposer pour franchir cette ultime étape ?

La clé pour moi, c'est qu'on soit conscient qu'il faut rentrer dans le match de la première à la dernière minute. On a eu ce problème contre Chartres deux fois, on est à -16 à la mi-temps et on revient à égalité à chaque fois. Donc si on comprend cela, ce sera déjà un bon point. Si on reste rigoureux dans notre plan de match, du début à la fin, ça devrait le faire parce qu'on aura en face de nous une équipe très disciplinée. Si on répond différemment, on passera par des scénarios qu'on a déjà connu.